DRÔLE DE GUERRE

DRÔLE DE GUERRE
DRÔLE DE GUERRE

DRÔLE DE GUERRE

La période de la «drôle de guerre» s’étend du 3 septembre 1939, déclaration de guerre de la Grande-Bretagne et de la France à l’Allemagne, au 10 mai 1940, invasion de la Belgique et des Pays-Bas par les troupes allemandes. Elle doit son nom à l’inaction des armées alliées devant la défaite de la Pologne. Roland Dorgelès, correspondant de guerre, a revendiqué la paternité de l’expression qui pourrait aussi être la traduction de l’américain Phoney War . On remarquera — surtout après la défaite — que le Parlement français, contrairement à la loi constitutionnelle, n’avait pas été explicitement consulté sur cette déclaration de guerre, le gouvernement Daladier se bornant à lui demander de voter des crédits supplémentaires «pour faire face aux obligations résultant de la situation internationale». C’est la première anomalie d’une période où il y en aura de nombreuses. Ainsi, contrairement au précédent de 1914, qui sert constamment de référence, il n’y a pas d’«Union sacrée». Le gouvernement est bien remanié, le 13 septembre, mais ni la gauche et l’extrême gauche (communistes et socialistes pourtant nombreux [229] dans la Chambre du Front populaire), ni l’extrême droite n’entrent au gouvernement, et les luttes politiques ne vont pas cesser d’agiter les milieux parlementaires et l’opinion publique. En effet, et c’est ce qui donne son nom à la période, les troupes alliées, hormis une timide avance dans la forêt de la Warndt (9 sept.), assistent sans broncher à la défaite polonaise: l’entrée en guerre de l’Union soviétique porte le coup de grâce à la Pologne, qui est partagée une nouvelle fois le 28 septembre, tandis que Varsovie capitule après une héroïque résistance. Autre anomalie, la France et la Grande-Bretagne repoussent (10 et 12 oct.), sans les discuter, les propositions de paix faites par Hitler le 6 octobre, alors même que le casus belli a disparu. Il semble que l’état-major français se résigne à une longue guerre d’usure et compte sur le blocus pour vaincre l’Allemagne. En revanche, le gouvernement, si passif face à l’ennemi, se déchaîne contre les communistes qui sont traqués avec une énergie surprenante. À la suite du pacte germano-soviétique (23 août), la presse communiste est suspendue (26 août), le Parti communiste est dissous (26 sept.), bien qu’ayant continué à proclamer sa fidélité à la politique de défense nationale; les députés qui n’ont pas rompu avec leur parti sont arrêtés (8 oct.), déchus (20 févr. 1940) et condamnés (3 avr.). L’historiographie communiste, passant sous silence les nouvelles consignes du Komintern qui, à partir du 1er octobre 1939, ont amené le P.C.F. à combattre la guerre impérialiste, affirme que la drôle de guerre porte ce nom parce que, au lieu de la faire à l’ennemi, on la fit à la classe ouvrière française. Il est vrai que ceux qui prônaient la temporisation face à Hitler trouvaient bon d’envoyer des troupes contre l’Union soviétique engagée (30 nov. 1939) dans une guerre sévère contre la Finlande. C’est d’ailleurs l’honorable défaite (12 mars 1940) de la Finlande — alors que celle de l’allié polonais n’avait eu aucun effet — qui provoque la démission de Daladier, 300 députés s’étant abstenus et 239 seulement ayant voté la confiance au terme d’un comité secret. C’est Paul Reynaud qui lui succède (22 mars), bien qu’il n’ait obtenu — et c’est là, pour un homme de droite, une nouvelle anomalie — que le soutien sans réserve des socialistes et une seule voix de majorité. Il apparaît comme plus énergique que son prédécesseur, et l’on peut dire, en effet, que la drôle de guerre est à peu près terminée. Le 28 mars, Reynaud signe l’engagement franco-britannique de ne pas conclure d’armistice séparé; le 9 avril, en réponse à l’entrée de l’Allemagne au Danemark et en Norvège, il y envoie des troupes qui remportent un demi-succès à Narvik. Mais, et c’est la dernière anomalie de la période, tirant la leçon de son hostilité envers le commandant en chef Gamelin et envers Daladier qui le soutient, Paul Reynaud présente le 9 mai la démission de son cabinet au président Lebrun: il revient sur sa décision le lendemain, devant l’attaque allemande. L’épilogue est connu. La drôle de guerre porte en elle tous les germes de la défaite: la détérioration progressive de l’esprit public et l’échec de l’Union sacrée; l’insuffisance et l’inapplication de la loi sur l’organisation de la nation en temps de guerre (loi du 11 juill. 1938); l’insuffisance de la propagande (confiée à l’écrivain Jean Giraudoux) et l’imprécision des buts de guerre; l’inaction des troupes et le conservatisme de l’état-major. En dernière analyse, cette série de causes peut se réduire à deux raisons fondamentales. La première, c’est que la guerre de 1914-1918 était trop proche, et plus encore Munich et la politique d’apaisement. Non seulement l’opinion publique ne souhaitait pas la guerre, mais encore, réconfortée par la passivité des troupes, elle n’y croyait pas. La seconde raison, c’est la division de l’opinion: partisans et adversaires du Front populaire et de Munich s’étaient trop déchirés pour se regrouper. Peut-être ce miracle eût-il été possible si la France avait été menacée et envahie dès la déclaration de guerre. Le répit de la drôle de guerre, ou plutôt la torpeur qu’avait fait naître ce répit, lui fut fatal.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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